Krystal Mundi

Simon MARY fait partie de ces musiciens discrets qui suivent leur route avec discernement, cultivant leur art avec intelligence et intégrité. Tissant ses partitions hors des sentiers battus, sa principale ambition est de mener à bien ses envies, en choisissant soigneusement ses compagnons de route et en s'intéressant davantage au coeur de sa musique plutôt qu'aux lumières éphémères d'un « business model » essoufflé. Contrebassiste pilier de la très riche scène nantaise depuis un bon quart de siècle, il a commencé à faire parler de lui à la fin des années quatre-vingt-dix à travers MUKTA, un groupe qui a largement participé à l'avènement du mouvement « world jazz », et dont plusieurs des six albums publiés entre 1999 et 2009 restent aujourd'hui des balises. Mais notre homme est avant tout éclectique, et ses talents de compositeur et d'arrangeur l'ont souvent emmené vers les rivages de la musique de film ou de théâtre, sans oublier la pop et la chanson ; on se souvient notamment de ses collaborations avec Philippe Katerine, Leila Huissoud ou Alexis HK. 

Il se poursuit avec Ouroboros Chase, inspiré par le mythe du dragon créateur de l'univers, une sorte de danse du feu post-moderne. Ensuite, le clin d'ail à la musique éthiopienne de Nuits Topaze révèle un Simon MARY dans un rôle où il excelle, celui du contrebassiste architecte et métronome... Après les fulgurances répétitives d'Alpha Lyrae adressées à l'étoile Véga, la mélodie contemplative de Nymphea fait penser à Monet et aux impressionnistes, et on ne peut s'empêcher de se rappeler de cette phrase de Miles Davis : « La musique est une peinture que l'on peut entendre, et la peinture est une musique que l'on peut voir. » Puis ce sont Crystal Boheme avec son parfum majestueux venu des contrées d'Europe de l'Est, et Herbadilla qui raconte les frissons d'une ville engloutie... Quant au final Bleu Alap / Bleu d'Orient, il nous offre un plongeon dans la musique indienne, comme un écho à MUKTA dont le premier album, Indian Sitar World Jazz, voyait le jour en 1999, il y a exactement vingt ans... 

Dans ce parcours où la qualité est toujours au rendez-vous, KRYSTAL MUNDI est un joyau. Un aboutissement, aussi, car il s'agit d'un projet dont la gestation s'est déroulée sur quatre ans et dans lequel le contrebassiste a glissé les fruits de nombre de ses rencontres avec des musiques et des musiciens de tous les continents, autour de quatre points cardinaux principaux, la Bretagne, les Caraïbes, l'Europe de l'Est et l'Asie – avec une prédilection naturelle pour l'Inde. Cette ouverture voulue et assumée se retrouve dans toutes les phases de la création de KRYSTAL MUNDI. L'écriture s'inspire du jazz, de la pop, mais aussi des musiques du monde et de l'école minimaliste américaine.

La composition du groupe est inhabituelle : contrebasse, violoncelle, deux violons et une trompette. Enfin, les interprètes eux-mêmes viennent d'horizons différents et ont comme Simon MARY des itinéraires « transversaux » : le trompettiste aérien Geoffroy TAMISIER, autre « voix » de MUKTA, est un complice de longue date ; le violoniste roumain Iacob MACIUCA s'est fait connaître dans Translave puis le Trio Kymata ; son alter ego la Japonaise Tomoko KATSURA a joué dans des formations prestigieuses comme l'Ensemble symphonique de New York ; elle et le violoncelliste Guillaume GROSBARD - qui a en outre participé à l'aventure de Gotan Project - se sont longuement côtoyés au sein de l'Orchestre de chambre des Pays-Bas. 

À l'instar de Sun Ra ou de Christian Vander, Simon MARY, artiste total, musicien, compositeur et arrangeur, invente sa propre cosmogonie musicale. Miroir d'un début de siècle en quête de sens, hantée par une singulière beauté mélodique et rythmique, elle est gorgée d'une puissance acoustique peu commune et elle génère une intense sérénité... Au fait, il faudrait peut-être donner un nom à cette musique innovante et résolument « différente » ? Nous suggérons un début de définition que chacun complétera : une musique de chambre contemporaine et humaniste, habitée par un groove qui est tout simplement celui de la pulsation du monde.

2 albums dans la discographie de Krystal Mundi