Après le bel accueil réservé à son premier album « La petite famille » (Label Ouest / L'Autre Distribution), Samy Daussat présente aujourd'hui son deuxième album où s'épanouit un talent à la griffe très personnelle.
Samy Daussat conjugue ici, sans jamais rechercher l'effet démonstratif, les qualités du brillant instrumentiste qu'il est avec une culture musicale approfondie lui permettant de signer de remarquables compositions .Dans le domaine d'un jazz manouche reposant souvent aujourd'hui sur des canons bien établis, l'atout d'un ton neuf et d'une telle créativité est une qualité rare.
Construit sur un motif mélodique et porté par une pompe très manouche, « Le petit pêcheur » s'évade soudain vers des couleurs inattendues avant de retrouver une tournure familière. « Don't Stop The Festival » et « Mike, Funky Mike » témoignent à la fois du goût de Samy Daussat pour une musique en mouvement, un savoir-faire instrumental et une originalité de phrasé. « Psycho valse », rappelle ici les compositions à l'esprit baroque de l'un des génies du genre : le grand Baro Ferret. Cette même pièce, avec ses sources et ses clins d'œil et la qualité de son exécution, livre au final un aperçu de la classe singulière de notre musicien.
Pour autant, l'expression personnelle ne gomme jamais ni la tradition ni la révérence. Adoptant un accent rythmique contemporain « Nuits de Saint-Germain-des-Prés » salue le Maître avec l'élégance de la distanciation, « Milko » fait ici office de standard pour évoquer les couleurs roots d'un jazz manouche aussi vivace qu'ancré dans la tradition.
L'invité est souvent la cerise sur le gâteau d'un disque de jazz manouche, illustration de l'indissociable convivialité attachée au genre. Pour trois pièces, nous découvrons le saxophoniste Pierrick Pedron, l'un des jazzmen français qui comptent aujourd'hui sur la scène internationale. L'entente est parfaite entre les arabesques inventives, la plénitude décontractée du puissant altiste et la guitare de Samy Daussat au timbre clair et au phrasé aéré.
Samy Daussat sait bien que l'œuvre des jazzmen historiques a souvent puisé dans un répertoire ancré dans la mémoire collective, il nous en offre deux formidables exemples : une relecture du « Déserteur » de Boris Vian et une « Ballade irlandaise » que Samy a choisi de partager avec son invité, clin d'œil sensible à leurs communes racines. On retrouvera ici et là chez Samy Daussat de ces accents cristallins colorant parfois une phrase, de ces amorces de tourneries au détour d'une composition, subtiles réminiscences d'embruns venus de l'Ouest !
La rythmique constituée de David Gastine et Claudius Dupont conjugue joliment la rigueur et le dynamisme exigés dans le style.
Dernière cerise sur le gâteau, David Gastine nous gratifie d'une interprétation particulièrement sensible d'un texte signé par le chanteur Babx : « J'passe comme une robe ». Son timbre et son phrasé y font merveille.
Samy Daussat est un musicien qui œuvre dans le temps. Celui de la maturité est ici au rendez-vous, avec les certitudes, l'exigence et le caractère affirmé d'un talent à l'éclat scintillant.
Ce qui distingue Samy Daussat de la plupart de ses confrères guitaristes, ce sont tout d'abord ses éminentes qualités d'accompagnateur. Un art difficile, dont il a patiemment acquis la maîtrise en faisant ses armes auprès des plus grandes figures du style manouche (successivement : Moreno, Patrick Saussois, Raphaël Faÿs, Babik Reinhardt et Tchavolo Schmitt), et un atout majeur dans une musique où, comme il le précise, « on ne peut pas comprendre le rôle de la guitare soliste si l'on n'a pas bien saisi de l'intérieur le travail de la section rythmique ». Après avoir fait minutieusement le tour de la question, Samy prend son envol en tant que soliste au début des années 2000, au sein d'un trio formé avec David et Noé Reinhardt, avant de s'imposer comme leader et compositeur à travers trois albums publiés sous son nom : La Petite Famille (2009), In Time (2011) et Nouvelle Vague (2013), tous chez Label Ouest.
Vingt ans plus tard, la solidité de ce parcours, amorcé dès le plus jeune âge, confère à l'artiste un aplomb, une sûreté de goût, une virtuosité et une qualité naturelle de l'expression que beaucoup lui envient, qui s'illustrent notamment à travers ses participations au projet Reinhardt Memories, avec Noé Reinhardt et Katia Schiavone (Label Ouest, 2021), au quartet de David Gastine, en tant que soliste invité (From Either Side, Label Ouest 2022), et au projet « Swing » du OFF de l'Orchestre de Paris, avec lequel il se produit depuis plusieurs années.
David Gastine découvre à la fin des années 90 la musique de Django Reinhardt, qui va constituer une étape décisive dans son orientation vers la guitare d'accompagnement.
En 2008, David rejoint le projet Selmer #607 qui lui permettra de s'illustrer auprès des ténors de la jeune génération du jazz manouche comme accompagnateur et chanteur. Il participe ensuite au projet « Djangodrom » de Tony Gatlif, qui marque le centenaire de la naissance de Django Reinhardt. Sa rencontre avec le guitariste Stéphane Wrembel le mènera ensuite sur les scènes new-yorkaises les plus prestigieuses (Carnegie Hall en 2017 et Town Hall en 2019, dans le cadre du festival Django à Gogo), en compagnie de pointures du style manouche, tel Stochelo Rosenberg.
Parallèlement, ces dernières années, David opère un retour vers la musique country folk, en explorant notamment le répertoire de Johnny Cash en compagnie de l'harmoniciste Vincent Bucher et du guitariste Sammy Daussat. Dès lors, David se produit régulièrement en trio acoustique se consacrant à l'interprétation des chansons emblématiques du répertoire country folk américain.